- Émilie Querbalec
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Lignes de Vie, de Graham Joyce, chez Folio SF
Un livre lu dans le cadre des chroniques pour Phénix-Web, et pour moi, une révélation. J’aime particulièrement la manière subtile qu’a l’auteur de traiter le fantastique sans s’éloigner de la vérité des personnages… Ce livre reste de ceux que je n’oublie pas, tout comme j’ai été marquée par le fantastique délicat de l’auteure japonaise Yoshimoto Banana, coup de cœur de mes années adolescentes.
Coventry, au lendemain de la guerre. La ville se réveille meurtrie, défigurée, mais dans ce creuset de cendres, les forces vives qui feront le visage de l’Angleterre de demain sont déjà à l’œuvre. Ces forces, elles sont portées par des femmes. Parmi elles, Martha, la matriarche qui couve d’un amour protecteur ses sept filles ; Beatie, qui après avoir vissé des rivets en usine va étudier à Oxford ; Evelyn et Ina, les jumelles vieilles filles qui font tourner les tables… Et la jeune Cassie, bien sûr, dont la folie visionnaire trouve son paroxysme dans la grande scène du bombardement de Coventry.
Et les hommes ? Les hommes n’ont pas été oubliés, mais la guerre les a pris et rares sont ceux qu’elle a rendus sans les avoir brisés. Pas besoin de superlatifs pour dire l’horreur, il suffit de voir le mari qui revient en permission de Dunkerque dans son uniforme crasseux pour comprendre.
Tous ces personnages sont vrais et l’auteur a le talent de savoir les faire vire avec humour et tendresse, sans jamais tomber dans la caricature, ni dans l’excès. C’est tellement rare !
Je vais terminer en touchant un mot de l’aspect fantastique du roman. Car des fantômes, il y en a dans ce livre. Comment cela pourrait-il ne pas être, dans ce contexte d’après-guerre ? Les morts ne sont jamais loin, qui s’invitent à pas feutrés à lire le journal ou tondre la pelouse. On les voit parfois, on les rêve, ils sont là, à errer, frapper aux portes ou parler aux enfants, mais tout est suggéré, sur le fil de nos perceptions. Alors quand l’« homme-derrière-la-vitre » chuchote à l’oreille du petit Franck, le fils de Cassie, on se demande ce qu’il va bien pouvoir faire de ce don si particulier. La fin est comme le livre, simple et vraie.
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